A retenir

  • Le manteau neigeux recule en durée et en étendue géographique.
  • Le changement est majeur en moyenne montagne et en vallée. Depuis les années 1970, la durée d’enneigement entre 1100 m et 2500 m s’est réduite de 5 semaines et perdra encore 4 à 5 semaines d’ici 2050.
  • Le vivant s’est structuré en montagne autour de la présence de la neige, ses adaptations spécifiques sont donc bouleversées.

Problématique : la neige n’est plus aussi abondante en montagne

La présence de neige au sol pendant une période plus ou moins longue est une des principales caractéristiques de la montagne. Or la durée du manteau neigeux comme sa hauteur ont déjà largement diminué depuis les années 1970 sous l’effet de la hausse des températures.

La neige recule en durée et en abondance, notamment à basse et moyenne altitude. Depuis les années 1970, la durée d’enneigement entre 1100 m et 2500 m s’est réduite de 5 semaines dans les Alpes du nord. Elle s’est proportionnellement plus réduite à 2500 m (- 25 %) qu’à 1500 m (- 12 %) puisqu’à basse altitude les jours de neige étaient déjà moindres. Côté hauteur du manteau neigeux, on observe une baisse de 50% de la hauteur maximale de neige dans la station de Cignana à 2150m en Vallée d’Aoste italienne par rapport à la période 1961-1990. Ceci représente une baisse de plus de 10% par décennie.

 

Ces changements sont plus liés au recul du froid qu’aux précipitations qui sont, elles, restées stables ces dernières décennies. La hausse des températures induit la remontée en altitude des précipitations neigeuses en hiver et une accélération de la fonte du manteau neigeux au printemps et même en été à l’altitude des neiges « éternelles ». Les glaciologues ont constaté une remontée de 2900 m à 3100 m de cette limite des « neiges éternelles » entre 1984 et 2010.

Pertinence de la neige pour le vivant

La neige façonne le vivant en montagne par son pouvoir d’isolation en hiver et par l’importante réserve en eau qu’elle constitue, disponible au printemps.

En hiver, le manteau neigeux maintient une température au sol presque douce, à 0°C. La neige est un isolant puissant pour la flore et les quelques animaux qui s’y abritent longuement ou plus ponctuellement, comme les marmottes, les tétras-lyre, les lagopèdes ou autres campagnols. Elle est aussi une contrainte forte pour les herbivores (chamois, chevreuils, lièvres variables…) qui restent actifs car elle recouvre les ressources alimentaires et ralentit les déplacements.

 

La neige façonne ainsi la « biogéographie » des montagnes : qui prospère où, au gré des combes longuement enneigées et des crêtes soufflées par le vent, déneigées même en hiver. Elle façonne aussi les adaptations spécifiques des animaux : raquettes à neige du lagopède ou membrane interdigitale du chamois pour faciliter le déplacement, pelage blanc du lièvre variable pour se camoufler, etc.

Au printemps, sa fonte dicte le démarrage de la végétation et de toute la chaîne alimentaire. Même si les températures extérieures pourraient permettre une reprise de la photosynthèse, la neige prive les végétaux d’accès à la lumière. Lorsqu’elle fond, elle est une ressource en eau abondante, indispensable pour compenser un démarrage tardif par une croissance éclair. Sa fonte progressive le long d’un versant même au cœur de l’été assure une disponibilité en eau suffisante pour tous les organismes.

Évolution future de l’enneigement

Le recul de l’enneigement se poursuit à l’horizon 2050 selon l’exposition des versants, pour quasiment disparaître à basse altitude. Ce recul est moindre au-dessus de 3000m et en versant nord.

Dans la vallée de Chamonix à 1000m d’altitude et jusqu’à 2000m en versant sud, on observera probablement entre 4 à 5 semaines d’enneigement en moins par rapport à la période actuelle. Plus haut autour de 3000m d’altitude et en versant nord, on s’attend à perdre entre 10 et 15 jours d’enneigement d’ici 2050. Le recul de l’enneigement sera plus marqué au printemps qu’à l’automne.

Ceci s’explique par la baisse continue du nombre de jours de gel (nombre de jours par an avec une température minimale inférieure à 0°C) de l’ordre de 30 à 40% en moyenne en haute montagne à l’horizon 2085. A l’inverse, bien que plus incertain, les précipitations devraient légèrement augmenter en hiver et au printemps, notamment lors d’évènements extrêmes (+10 à 20% en quantité lors de ces évènements). Mais elles tomberont sous forme de pluie jusqu’à plus haute altitude. À 2000 m et à l’horizon 2050, on attend une baisse de 30 à 35 % du nombre de jours de précipitations sous forme de neige.

Un nouveau champ d’investigation s’ouvre également sur le lien entre végétation et durée de l’enneigement au printemps. A l’heure où la lande gagne du terrain dans le massif, les scientifiques s’interrogent sur la propension des rhododendrons ou des genévriers à accélérer encore la fonte de la neige par rapport aux pelouses rases qui elles sont en net recul.

Perspectives pour l’adaptation de la faune et la flore

Pour une faune et une flore étroitement liées à la neige, la disparition du manteau neigeux est à double tranchant. Bénéfique pour certains car elle augmente la durée de la saison favorable mais pénalisante pour d’autres dont les adaptations spécifiques ne sont plus… adaptées.

L’avancée de la fonte du manteau neigeux est positive pour les organismes car elle permet une saison de végétation plus longue pour les plantes et une saison de reproduction plus précoce pour les animaux très liés à l’enneigement comme la grenouille rousse. Cet avantage est contrecarré par dès lors que la fonte accélérée de la neige sur l’ensemble d’un versant réduit l’apport progressif en eau au fil des mois et donc le risque de sécheresse estivale.

Pour les plantes, si le manteau neigeux protecteur disparaît trop tôt une fois les fleurs écloses, il reste encore un risque de gel tardif, c’est-à-dire de températures létales pour les jeunes pousses. Ce risque ne s’est pas accru au-dessus de 2000m mais il pourrait se matérialiser ces prochaines décennies.

De plus, la « vague verte » spécifique à la montagne - la fonte progressive et la production progressive d’herbe tendre qui lui est liée tout au long du gradient d’altitude -, est enrayée. Les jeunes herbivores ressortent de leur premier été moins costauds qu’avant, causant une plus grande mortalité l’hiver suivant. De même, les lièvres variables, lagopèdes et hermines qui changent de pelage et plumage en hiver pour se fondre dans le blanc de l’hiver ne sont plus assortis au décor lorsque la neige fond trop tôt ; leur camouflage devient alors contreproductif face aux prédateurs.

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